Décembre 2001
Chants d'automne
Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ?
- Sois charmante et tais-toi !
........
O pâle marguerite !
Comme moi n'es-tu pas un soleil automnal
O ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?
Baudelaire, Sonnet d'automne
Rameau - La Guirlande, Zéphyre
Les Français aiment la danse, c'est bien connu. Berlioz disait, paraît-il, qu'un
Français trouverait l'excuse de danser jusque dans une scène figurant le jugement
dernier. Ettore Scola dit plus encore des Français et de la danse avec Le Bal.
Au siècle de Louis XIV, le ballet est tellement prisé de la cour que les opéras ne
sont, pour l'essentiel, que des prétextes à ballets, et en prennent le nom. La
Guirlande et Zéphyre, deux " actes de ballet ", c'est-à-dire deux
opéras-bouffe en un acte, beaucoup moins connus que les grands opéras de Rameau,
viennent d'être enregistrés par William Christie et les Arts Florissants (2 CD ERATO 85738 57742). Sur des livrets
jolis et mièvres qui évoquent Watteau, Rameau a dessiné des airs exquis comme des
porcelaines de Saxe, entrecoupés de musiques de ballet qui ne le cèdent en rien à
celles des Indes Galantes. Sophie Daneman, Gaëlle Méchaly, Rebecca Ockenden,
Sophie Decaudaveine, sont de merveilleuses " dessus ", parfaitement rompues aux
inflexions et aux ornements qu'exige le genre, et William Christie est décidément le Roi
Soleil de la musique baroque.
Stéphanie Blythe chante Haendel et Bach
Les voix graves de femmes sont émouvantes, si l'on ose dire, et ce ne sont pas les
inconditionnels de Lauren Bacall qui le nieront. Et, en musique, les grandes contraltos
sont plus rares encore que les grands contre-ténors. Aussi l'amateur exigeant et puriste,
que l'idée de réunir des airs de divers opéras de Haendel dérange déjà, et pour qui
enregistrer des arias extraits des Passions de Bach confine au blasphème, est-il prêt à
faire fi de ses préjugés pour découvrir une contralto de qualité. Stéphanie Blythe
est jeune et elle n'a pas encore acquis la célébrité des grandes sopranos
contemporaines, mais son premier disque vaut plus qu'un détour. L'écoute de ce disque
relève de la magie : vous attaquez l'écoute du premier air d'une oreille distraite, en
lisant votre journal du soir, mais vous ne parvenez plus à suivre ce que vous lisez, le
journal vous tombe des mains, et vous ne perdrez plus une mesure de ce récital jusqu'à
la fin. Richesse du timbre, infinie subtilité des inflexions, Stephanie Blythe,
qu'accompagne l'Ensemble Orchestral de Paris dirigé par John Nelson (